Le sol du hall représente 180 mètres carrés. La peinture est ici parfois vue d'en haut depuis un escalier. Ou bien, et plus souvent, les élèves, les enseignants, le personnel de l'administration traversent le hall. Ils regardent le sol ou parfois l'oublient, n'y pensent plus, ou y reviennent.
En marchant sur le sol, vous ne devez pas oublier vos pieds. Très important, cela. Vous ne regardez pas seulement l'horizon, ni seulement le haut ou le ciel par les fenêtres. Vous pouvez baisser la tête et regarder vers le bas. Tout repose. Tout est stable. Le sol est à la base, le fondement, le soubassement. Corine Sylvia CONGIU a peut-être pensé à la période de la "Célébration du sol" (1957-1959) de Jean Dubuffet. Elle s'est aussi souvenue des mosaïques antiques.
Parfois, les élèves peuvent pirouetter, tournoyer, lorsque le sol peint chavire, tangue. Le regard découvre le sol modifié, agité, varié, qui n'est pas accidenté ; mais le sol est tacheté, marbré, veiné, bigarré.
Sur le sol, Corine Sylvia CONGIU marque les empreintes des chaussures, leurs traces. Elle désigne des pistes. Les élèves souvent suivent leurs pistes habituelles. Mais, à d'autres moments, ils se détournent de leur chemin ; ils dévient ; ils dérivent ; ils s'écartent de leur direction. Peut-être, sans le savoir, ils tiennent compte des macules du sol, des empreintes. Quoique qu'il en soit, les élèves circulent, se meuvent, se déplacent, déambulent. Ils s'avancent, parfois s'immobilisent, se fixent. Le plan étrange du hall est le carrefour complexe du lycée. Il est le point d'aboutissement des couloirs, un lieu central des trajectoires des élèves, de leurs parcours et de leurs stationnements. Dans certaines zones du hall, les élèves marchent dans des "chemins qui ne mènent nulle part", qui se perdent dans le "non frayé" (1).
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Sur le sol, Corine Sylvia CONGIU peint les projections des fenêtres. A certains moments, selon les heures, selon les saisons, la lumière des fenêtres coïncide avec les projections peintes.
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L'artiste peint non seulement le sol, mais les murs, les colonnes octogonales de béton. Les noirs, les rouges diffèrent, les blancs envahissent plus de 300 mètres carrés. Ils créent une architecture zébrée, bigarrée. Ils perturbent l'espace, le bousculent, le chahutent, le dérèglent joyeusement, le métamorphosent. Tel rouge devient l'ombre colorée d'un extincteur.
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Face à cette architecture zébrée, quelques élèves sont choqués par la violence des rouges et s'interrogent sur le "sens" de la peinture non-figurative. Certains sont indifférents. D'autres sont intéressés, séduits : "Tout de suite, on ne voit pas tout. Au fur et à mesure, on découvre... Ou bien, dans un jeu, on essaie de ne pas suivre les chemins ; et puis, tout à coup, on ne fait plus attention, on se retrouve..."
Corine Sylvia CONGIU tente de créer un étrange carrefour des signes colorés.
*Gilbert Lascault est écrivain, critique d'art et professeur à l'Université Panthéon Sorbonne
(1) Cf. Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part (Holzwege), Gallimard, 1962.